Dans l’univers juridique des organisations à but non lucratif, l’extrait Kbis représente bien plus qu’une simple formalité administrative. Ce document officiel constitue la véritable carte d’identité d’une association inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). Contrairement aux idées reçues, certaines associations doivent obligatoirement disposer de cet extrait pour exercer leurs activités en toute légalité. Face aux exigences croissantes de transparence et de professionnalisation du secteur associatif, comprendre les implications de ce document devient indispensable pour les dirigeants associatifs. Cet exposé analyse en profondeur les enjeux liés à l’extrait Kbis pour les associations, depuis les obligations légales jusqu’aux avantages stratégiques qu’il confère dans un environnement de plus en plus compétitif.
Comprendre l’Extrait Kbis et son Application aux Associations
L’extrait Kbis constitue la preuve officielle de l’existence juridique d’une entité immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS). Traditionnellement associé aux entreprises commerciales, ce document s’applique pourtant à certaines catégories d’associations. Pour saisir pleinement cette réalité, il faut d’abord définir précisément ce qu’est cet extrait et pourquoi il concerne le monde associatif.
Définition et Rôle de l’Extrait Kbis
L’extrait Kbis représente l’état civil d’une organisation inscrite au RCS. Délivré par le greffe du tribunal de commerce, ce document recense toutes les informations légales fondamentales : dénomination, forme juridique, siège social, numéro SIREN/SIRET, date de création, capital, dirigeants, activités principales et secondaires. Sa valeur légale est incontestable puisqu’il atteste officiellement l’existence juridique de la structure auprès des tiers (banques, fournisseurs, administrations, partenaires).
Le caractère probant de ce document tient à sa source : seul le greffe du tribunal de commerce est habilité à le délivrer, lui conférant ainsi une authenticité absolue. Sa durée de validité, limitée à trois mois, garantit l’actualité des informations qu’il contient, reflétant fidèlement la situation juridique de l’entité concernée.
Quelles Associations Sont Concernées par l’Extrait Kbis?
Contrairement à l’idée répandue que les associations loi 1901 sont systématiquement exemptes d’immatriculation au RCS, certaines configurations imposent cette démarche. Les associations concernées sont principalement :
- Les associations exerçant des activités économiques à titre habituel
- Les associations émettant des valeurs mobilières
- Les associations gérant un établissement commercial (restaurant, boutique, etc.)
- Les associations assujetties aux impôts commerciaux de manière permanente
- Les associations sportives professionnelles
Le Code de commerce stipule en effet que toute personne morale, y compris une association, qui exerce des actes de commerce à titre habituel doit s’immatriculer. Cette obligation découle de la volonté du législateur d’assurer une transparence équivalente pour toutes les entités participant activement à la vie économique, qu’elles soient à but lucratif ou non.
Un exemple typique est celui d’une association culturelle qui, au-delà de ses activités principales de promotion artistique, gèrerait une librairie spécialisée ouverte au public. Cette dimension commerciale l’obligerait à obtenir un extrait Kbis, la plaçant ainsi dans une position hybride entre le statut associatif classique et celui d’acteur économique.
La distinction s’opère principalement sur le caractère habituel et prépondérant de l’activité commerciale. Une vente ponctuelle de produits lors d’événements exceptionnels ne suffit généralement pas à déclencher cette obligation, contrairement à l’exploitation régulière d’une activité générant des revenus substantiels.
Le Processus d’Obtention de l’Extrait Kbis pour une Association
L’acquisition d’un extrait Kbis pour une association implique une procédure spécifique qui diffère sensiblement de celle applicable aux sociétés commerciales traditionnelles. Cette démarche, souvent méconnue des dirigeants associatifs, mérite une attention particulière pour éviter tout écueil administratif.
Les Étapes Préalables à l’Immatriculation
Avant même de solliciter une immatriculation au RCS, l’association doit franchir plusieurs étapes préparatoires fondamentales :
- Vérifier l’obligation légale d’immatriculation en analysant précisément la nature des activités
- Adapter les statuts associatifs pour mentionner explicitement les activités commerciales envisagées
- Obtenir l’autorisation du conseil d’administration ou de l’assemblée générale selon les règles de gouvernance interne
- Réaliser une déclaration modificative en préfecture si l’évolution vers des activités commerciales n’était pas prévue initialement
Cette phase préparatoire s’avère déterminante car elle conditionne la recevabilité de la demande d’immatriculation ultérieure. Les statuts doivent notamment préciser sans ambiguïté la possibilité pour l’association d’exercer des activités économiques, afin d’éviter tout conflit avec l’objet social déclaré initialement.
La consultation d’un expert-comptable ou d’un avocat spécialisé dans le droit des associations peut s’avérer judicieuse à ce stade, pour évaluer avec précision les implications fiscales et juridiques de cette évolution. En effet, l’immatriculation au RCS entraîne généralement un assujettissement aux impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale) qu’il convient d’anticiper dans le modèle économique de l’association.
La Constitution du Dossier d’Immatriculation
Une fois les prérequis satisfaits, l’association doit constituer un dossier complet comprenant :
- Le formulaire M0 dûment complété (cerfa n°11680)
- Un exemplaire des statuts à jour, datés et signés
- La copie du récépissé de déclaration en préfecture et de la publication au Journal Officiel
- Le procès-verbal de l’assemblée générale approuvant l’exercice d’activités commerciales
- Un justificatif de domiciliation du siège social
- Les pièces d’identité des dirigeants et leur extrait de casier judiciaire
- Le règlement des frais d’immatriculation (environ 70€)
Ce dossier doit être déposé auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) compétent, généralement celui de la Chambre de Commerce et d’Industrie du territoire où se situe le siège de l’association. Depuis 2023, cette démarche peut également être réalisée en ligne via le Guichet Unique des Entreprises, simplifiant considérablement le processus administratif.
Le greffe du tribunal de commerce procède ensuite à une vérification minutieuse de la conformité du dossier. Ce contrôle porte tant sur les aspects formels (complétude des pièces, signatures requises) que sur le fond (adéquation entre l’objet social et les activités commerciales déclarées). En cas d’anomalie, le greffe peut émettre une demande de régularisation qui suspend le processus jusqu’à la fourniture des éléments manquants ou corrigés.
À l’issue de cette procédure, généralement dans un délai de deux semaines après le dépôt d’un dossier complet, l’association reçoit son numéro d’immatriculation et peut alors solliciter la délivrance de son premier extrait Kbis. Ce document constitue désormais la preuve officielle de sa double identité : celle d’une association loi 1901 et celle d’une entité économique reconnue par le monde des affaires.
Les Implications Juridiques et Fiscales de l’Extrait Kbis pour les Associations
L’obtention d’un extrait Kbis par une association ne représente pas une simple formalité administrative : elle entraîne une cascade de conséquences sur les plans juridique et fiscal. Ces implications modifient profondément le fonctionnement de l’organisation et nécessitent une adaptation de sa gouvernance.
Le Changement de Régime Juridique
L’immatriculation au RCS place l’association dans un cadre juridique hybride. Tout en conservant son statut associatif régi par la loi du 1er juillet 1901, elle se voit appliquer simultanément certaines dispositions du Code de commerce. Cette dualité se manifeste notamment par :
- L’obligation de tenir une comptabilité commerciale complète
- La soumission aux règles du droit commercial pour ses activités économiques
- L’application potentielle des procédures collectives (redressement ou liquidation judiciaire) en cas de difficultés financières
- La possibilité d’être assignée devant le tribunal de commerce pour les litiges liés à ses activités économiques
Les dirigeants associatifs voient également leur responsabilité évoluer. Bien que le principe de non-lucrativité demeure applicable à l’association dans son ensemble, la gestion des activités commerciales impose une rigueur accrue. Les administrateurs peuvent ainsi voir leur responsabilité personnelle engagée en cas de faute de gestion caractérisée dans le cadre des activités commerciales, selon des modalités proches de celles applicables aux dirigeants d’entreprises.
Cette situation juridique particulière impose une adaptation des mécanismes de gouvernance internes. La création d’une commission ou d’un comité spécifiquement dédié à la supervision des activités commerciales devient souvent nécessaire, de même que l’instauration de procédures de contrôle interne renforcées. Les statuts doivent généralement être révisés pour préciser les modalités de prise de décision concernant ces activités spécifiques.
Les Conséquences Fiscales
L’impact fiscal de l’immatriculation au RCS constitue probablement l’aspect le plus significatif pour de nombreuses associations. Le principe de la sectorisation fiscale devient alors central :
Les activités commerciales identifiées dans l’extrait Kbis sont généralement soumises aux impôts commerciaux :
- La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) sur les opérations commerciales
- L’Impôt sur les Sociétés (IS) sur les bénéfices générés par ces activités
- La Contribution Économique Territoriale (CET) composée de la CFE et de la CVAE
En revanche, les activités non lucratives traditionnelles de l’association peuvent continuer à bénéficier des exonérations fiscales habituelles, à condition qu’une comptabilité distincte et rigoureuse permette de séparer clairement les deux secteurs.
Cette situation exige la mise en place d’une comptabilité analytique précise, capable d’isoler les charges et produits relatifs à chaque secteur d’activité. Les clés de répartition des charges communes (locaux, personnel, frais généraux) doivent être établies selon des critères objectifs et documentés pour résister à un éventuel contrôle fiscal.
Le régime de TVA applicable mérite une attention particulière. Si l’association dépasse les seuils d’assujettissement, elle devra collecter la TVA sur ses ventes commerciales et pourra récupérer celle payée sur les achats affectés à ces activités. Cette situation génère des obligations déclaratives périodiques (mensuelles ou trimestrielles) qui nécessitent une organisation administrative adaptée.
Concernant l’impôt sur les sociétés, l’association devra déposer annuellement une déclaration fiscale pour son secteur lucratif. Toutefois, elle peut bénéficier d’abattements spécifiques, notamment la franchise de 77 000€ applicable aux organismes sans but lucratif pour leurs activités accessoires. Au-delà de ce seuil, un taux réduit d’IS (15%) peut s’appliquer sur une première tranche de bénéfices.
Face à cette complexification fiscale, le recours à un expert-comptable familiarisé avec les spécificités du secteur associatif devient quasiment indispensable. Cet accompagnement professionnel permet non seulement d’assurer la conformité des déclarations, mais aussi d’optimiser légalement la situation fiscale de l’association en exploitant judicieusement les dispositifs d’exonération partielle ou les régimes de faveur accessibles.
Les Avantages Stratégiques de l’Extrait Kbis pour le Développement Associatif
Si l’obtention d’un extrait Kbis implique des contraintes administratives et fiscales, elle offre néanmoins des opportunités stratégiques considérables pour une association souhaitant développer son impact et pérenniser son modèle économique. Ces avantages, souvent sous-estimés, peuvent transformer positivement la trajectoire d’une organisation à but non lucratif.
Renforcement de la Crédibilité et de la Légitimité
L’extrait Kbis confère à l’association une reconnaissance institutionnelle qui transcende le cadre associatif traditionnel. Cette légitimité renforcée se manifeste à plusieurs niveaux :
- Auprès des partenaires financiers (banques, investisseurs sociaux) qui perçoivent l’immatriculation comme un gage de professionnalisme
- Face aux acteurs économiques (fournisseurs, prestataires) qui identifient l’association comme un interlocuteur commercial fiable
- Dans les relations avec les collectivités territoriales et les administrations, facilitant l’accès à certains marchés publics
Cette crédibilité accrue facilite notamment les négociations bancaires. Une association immatriculée au RCS obtient généralement plus facilement des conditions favorables pour ses financements : lignes de crédit, découverts autorisés, prêts d’investissement. Les établissements bancaires apprécient particulièrement la transparence financière qu’implique le statut commercial, ainsi que la possibilité de consulter les informations officielles via le registre du commerce.
L’exemple de l’Association pour le Développement des Arts Numériques, qui a obtenu un financement de 200 000€ pour la création d’un espace d’exposition innovant après son immatriculation, illustre parfaitement ce phénomène. Son président témoigne : « Notre dossier avait été refusé deux fois auparavant. L’obtention de notre extrait Kbis a clairement fait la différence lors de notre troisième tentative. »
Diversification des Sources de Financement
L’immatriculation au RCS ouvre des perspectives de financement inaccessibles aux associations traditionnelles :
- Possibilité de répondre à des appels d’offres réservés aux entités commerciales
- Accès à certains dispositifs d’aide aux entreprises (crédits d’impôt recherche, aides à l’innovation)
- Capacité à développer des prestations de services facturées sans limitation
- Opportunité de créer des filiales commerciales ou de prendre des participations dans d’autres structures
Cette diversification des ressources s’avère particulièrement précieuse dans un contexte de raréfaction des subventions publiques. L’association peut ainsi construire un modèle économique hybride, combinant ressources traditionnelles du secteur non-marchand (dons, cotisations, subventions) et revenus issus d’activités commerciales.
La Fédération des Épiceries Solidaires illustre parfaitement cette approche : en créant une activité de conseil et formation aux entreprises agroalimentaires sur les enjeux de précarité alimentaire, elle a généré des revenus commerciaux représentant 40% de son budget annuel, tout en maintenant sa mission sociale principale.
Cette hybridation économique offre également une résilience accrue face aux fluctuations des financements traditionnels. La crise sanitaire a d’ailleurs démontré que les associations disposant d’activités commerciales établies ont généralement mieux résisté aux difficultés, pouvant notamment bénéficier des dispositifs de soutien aux entreprises comme les prêts garantis par l’État.
Par ailleurs, l’immatriculation facilite la mise en place de partenariats commerciaux avec des entreprises. Ces collaborations peuvent prendre diverses formes : prestations croisées, co-branding, création de produits-partage, etc. Une association environnementale immatriculée pourra ainsi plus facilement conclure un accord avec une entreprise pour commercialiser des produits écologiques co-développés, générant des revenus réguliers tout en amplifiant son impact.
Cette dimension commerciale permet également d’attirer des profils professionnels différents au sein de l’équipe dirigeante. Des personnes issues du monde de l’entreprise, apportant des compétences en marketing, finance ou développement commercial, peuvent être séduites par ce modèle hybride qui concilie impact social et approche entrepreneuriale.
L’extrait Kbis devient ainsi un véritable levier de développement, permettant à l’association de dépasser les limites traditionnelles du modèle associatif pour amplifier son impact social ou environnemental grâce à des ressources diversifiées et pérennes.
Gérer Efficacement son Extrait Kbis : Bonnes Pratiques et Points de Vigilance
Une fois l’extrait Kbis obtenu, sa gestion quotidienne et son actualisation régulière constituent des enjeux majeurs pour l’association. Adopter les bonnes pratiques dans ce domaine permet d’éviter de nombreux écueils administratifs et juridiques qui pourraient entraver le développement de la structure.
Maintenir à Jour les Informations du Registre
La valeur juridique de l’extrait Kbis repose sur l’exactitude des informations qu’il contient. Toute modification significative dans la vie de l’association doit faire l’objet d’une déclaration modificative auprès du greffe du tribunal de commerce, généralement dans un délai d’un mois après la survenance du changement. Les principales modifications concernées sont :
- Changement de siège social
- Modification des dirigeants (président, trésorier, secrétaire général)
- Évolution de la dénomination de l’association
- Extension ou restriction de l’objet social
- Changement dans les activités commerciales exercées
La procédure de déclaration modificative s’effectue via le formulaire M2 (cerfa n°11682) accompagné des pièces justificatives correspondantes. Les coûts associés varient selon la nature de la modification, mais restent généralement modérés (entre 30€ et 195€).
Le non-respect de cette obligation d’actualisation peut entraîner plusieurs conséquences préjudiciables :
- L’inopposabilité des changements non déclarés aux tiers
- Des difficultés relationnelles avec les partenaires commerciaux et bancaires
- Des sanctions pénales dans les cas les plus graves (jusqu’à 4 500€ d’amende)
Pour éviter ces écueils, la désignation d’un référent juridique au sein de l’association, chargé spécifiquement du suivi des obligations liées à l’extrait Kbis, constitue une pratique recommandée. Ce responsable peut être un membre du bureau, un salarié ou un bénévole disposant de compétences juridiques appropriées.
Utilisation Stratégique de l’Extrait Kbis dans les Relations Externes
Au-delà de sa dimension obligatoire, l’extrait Kbis représente un outil de communication et de négociation précieux pour l’association. Son utilisation judicieuse peut faciliter considérablement les démarches suivantes :
- Réponse aux appels d’offres publics et privés
- Négociation de contrats commerciaux avec des fournisseurs
- Obtention de conditions préférentielles auprès des prestataires
- Établissement de partenariats stratégiques avec des entreprises
Pour optimiser cette dimension, plusieurs bonnes pratiques peuvent être adoptées :
Premièrement, conserver systématiquement une version récente (moins de trois mois) de l’extrait Kbis au format numérique, facilement accessible pour les membres du bureau et les responsables opérationnels. Cette disponibilité immédiate permet de saisir rapidement des opportunités sans être freiné par des délais administratifs.
Deuxièmement, mentionner explicitement le numéro RCS sur l’ensemble des documents commerciaux de l’association : devis, factures, contrats, mais aussi site internet et documentation institutionnelle. Cette mention, au-delà d’être une obligation légale, renforce la perception professionnelle de l’organisation.
Troisièmement, anticiper les demandes récurrentes en intégrant l’extrait Kbis dans un dossier standardisé de présentation de l’association, aux côtés des autres documents administratifs fréquemment sollicités (statuts, composition du bureau, attestations fiscales, etc.).
Concilier Identité Associative et Statut Commercial
L’enjeu majeur pour une association immatriculée réside dans sa capacité à maintenir son identité et ses valeurs associatives tout en assumant pleinement sa dimension commerciale. Cette conciliation nécessite une réflexion approfondie sur plusieurs aspects :
- La communication externe, qui doit trouver le juste équilibre entre mission sociale et offre commerciale
- La gouvernance interne, pour préserver les mécanismes démocratiques propres au modèle associatif
- La gestion financière, qui doit garantir la réaffectation des excédents aux missions sociales
Pour réussir cette intégration, l’élaboration d’une charte éthique spécifique peut s’avérer particulièrement utile. Ce document interne précisera notamment les limites que l’association s’impose dans ses activités commerciales pour rester fidèle à sa mission, les critères de choix de ses partenaires commerciaux, et les modalités d’allocation des ressources générées.
L’Association Nationale des Épiceries Solidaires offre un exemple inspirant de cette approche. Elle a développé une activité de formation professionnelle générant des revenus substantiels, tout en adoptant une charte stipulant que 75% minimum des bénéfices doivent être réinvestis dans l’accompagnement gratuit des personnes en situation de précarité.
Sur le plan opérationnel, la mise en place d’une comptabilité analytique détaillée facilite grandement la distinction entre activités non lucratives et commerciales. Cette séparation comptable, au-delà de son intérêt fiscal, permet de mesurer précisément la contribution de chaque secteur à la réalisation de la mission sociale, et d’ajuster les stratégies en conséquence.
Concernant les ressources humaines, une attention particulière doit être portée à l’articulation entre bénévolat et salariat. Si les activités commerciales justifient généralement le recours à des professionnels rémunérés, il convient d’établir des règles claires sur la participation éventuelle des bénévoles à ces activités, et sur les conditions de cette participation.
Enfin, la transparence envers les membres et donateurs constitue un principe fondamental. L’association doit communiquer clairement sur la finalité de ses activités commerciales et sur l’utilisation des ressources qu’elles génèrent. Cette transparence, loin de nuire à l’image de l’organisation, renforce généralement la confiance des parties prenantes en démontrant une approche réfléchie et responsable du développement associatif.
Vers une Professionnalisation Réussie du Secteur Associatif
L’adoption de l’extrait Kbis par un nombre croissant d’associations s’inscrit dans un mouvement plus large de professionnalisation du secteur non lucratif. Cette évolution, loin de dénaturer l’esprit associatif, peut au contraire le renforcer en lui donnant les moyens de sa pérennité et de son impact social accru.
L’Évolution du Modèle Économique Associatif
Le paysage associatif français connaît une transformation profonde de ses modes de financement. La réduction tendancielle des subventions publiques pousse de nombreuses structures à diversifier leurs ressources, notamment via le développement d’activités commerciales. Cette hybridation économique, matérialisée par l’obtention d’un extrait Kbis, présente plusieurs caractéristiques notables :
- Une plus grande autonomie financière face aux fluctuations des financements publics
- Une capacité accrue à investir dans l’innovation sociale et environnementale
- Le développement de compétences entrepreneuriales au sein des équipes associatives
- L’émergence de partenariats intersectoriels innovants avec le monde de l’entreprise
Les chiffres témoignent de cette évolution rapide : selon une étude du Mouvement Associatif, près de 23% des associations employeuses développent désormais des activités commerciales significatives, contre seulement 14% il y a dix ans. Cette proportion atteint même 35% dans les secteurs de l’insertion, de la culture et de l’environnement.
Cette transformation s’accompagne d’une évolution des profils au sein des conseils d’administration. On observe une présence croissante de personnes issues du monde de l’entreprise, apportant des compétences en gestion, marketing ou finance, aux côtés des militants historiques plus centrés sur le projet social. Cette diversité enrichit la gouvernance associative en croisant les approches et les expertises.
Le développement d’outils de gestion professionnels constitue un autre marqueur de cette évolution. L’immatriculation au RCS s’accompagne généralement de l’adoption de tableaux de bord, d’indicateurs de performance et de systèmes d’information similaires à ceux utilisés dans le monde de l’entreprise, mais adaptés aux spécificités du projet associatif.
Les Défis de la Croissance et de la Performance Sociale
Si l’obtention d’un extrait Kbis ouvre des perspectives de développement considérables, elle confronte également l’association à de nouveaux défis qu’il convient d’anticiper :
- Maintenir l’adhésion des membres et bénévoles face à la dimension commerciale
- Préserver la mission sociale originelle malgré les contraintes économiques
- Développer une culture organisationnelle hybride conciliant valeurs associatives et exigences commerciales
- Mesurer et valoriser l’impact social au-delà des seuls indicateurs économiques
Pour relever ces défis, de nombreuses associations immatriculées au RCS se tournent vers les méthodologies d’évaluation d’impact social. Ces démarches permettent de quantifier et qualifier les effets de leur action sur leurs bénéficiaires et sur la société, au-delà des simples indicateurs financiers. Cette approche contribue à maintenir le cap sur la mission sociale tout en développant des activités commerciales.
L’exemple de la Fédération des Acteurs de la Solidarité illustre cette démarche. Cette organisation a développé une activité de formation professionnelle générant d’importants revenus commerciaux, tout en mettant en place un système d’évaluation mesurant précisément comment ces ressources renforcent son action auprès des plus démunis. Les résultats de cette évaluation sont partagés annuellement avec l’ensemble des parties prenantes, garantissant ainsi la transparence sur l’utilisation des fonds générés.
La formation des dirigeants associatifs constitue un autre enjeu majeur. Le pilotage d’une association immatriculée au RCS requiert des compétences spécifiques, à l’intersection du management non lucratif et de la gestion d’entreprise. Des programmes de formation adaptés se développent pour répondre à ce besoin, proposés notamment par les Dispositifs Locaux d’Accompagnement (DLA), les Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS) ou certaines universités.
Perspectives et Recommandations pour les Associations
Face à l’évolution du secteur associatif vers des modèles hybrides matérialisés par l’obtention d’un extrait Kbis, plusieurs recommandations peuvent être formulées à l’attention des dirigeants associatifs :
- Réaliser un diagnostic stratégique approfondi avant de s’engager dans la démarche d’immatriculation
- Construire un business plan social détaillant précisément l’articulation entre activités commerciales et mission sociale
- Investir dans la formation économique et juridique des administrateurs et des équipes
- Mettre en place des indicateurs d’impact permettant de mesurer la contribution des activités commerciales à la réalisation de la mission sociale
- Développer une communication transparente auprès des parties prenantes sur l’évolution du modèle économique
Les pouvoirs publics ont également un rôle à jouer pour faciliter cette transition vers des modèles associatifs hybrides. La simplification des démarches administratives, la clarification du cadre fiscal applicable et le développement de dispositifs d’accompagnement spécifiques constituent des leviers d’action prioritaires.
À plus long terme, cette professionnalisation du secteur associatif, symbolisée par l’adoption croissante de l’extrait Kbis, pourrait contribuer à l’émergence d’un modèle socio-économique innovant, réconciliant performance économique et utilité sociale. Ce modèle, à l’intersection du secteur public, du marché et de la société civile, offrirait une voie prometteuse pour répondre aux défis sociétaux contemporains.
L’extrait Kbis apparaît ainsi non comme une simple formalité administrative, mais comme le symbole d’une transformation profonde du secteur associatif, lui permettant de renforcer son impact tout en préservant ses valeurs fondamentales de solidarité, de démocratie et d’engagement citoyen.
